La Charte d’Équité, Diversité et Inclusion du LaBRI

Inspirée par et adapté de la charte des membres de l’IRIF.

Introduction

Ce document présente la culture que nous, membres du Laboratoire Bordelais de Recherche en Informatique (LaBRI), souhaitons promouvoir dans notre environnement de travail, que ce soit dans les locaux du laboratoire, de l'université, ou en dehors (comme dans le cadre des missions et comités), pour la construction d’un environnement propice à la recherche et l’innovation.

L'équité, la diversité et l'inclusion jouent des rôles importants dans le développement des connaissances de qualité. L'Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes (EIGE) a identifié que la recherche développée dans un contexte inégal comporte plus de risques d'avoir des résultats erronés, moins pertinents, voire moins reconnus pour la société (1).

Ce document, à vocation pédagogique, vise d'une part, à faire prendre conscience à chacun et chacune de l'existence de situations et de comportements non souhaitables et d'autre part, à s'interroger sur ses propres comportements. Même si cette charte s'attache d'abord à garder un grand degré de généralité, elle mentionne des situations que peuvent rencontrer certaines populations auxquelles nous souhaitons accorder une attention particulière.

Dans un deuxième moment, la charte utilise des exemples de situations pour aider ses lecteurs et lectrices à comprendre ses points généraux.

Définitions

Les notions d'équité, diversité et inclusion sont souvent rapprochées des notions de parité, d'égalité de genre et d'égalité d'opportunités. Nous précisons ci-après ces trois notions que nous utiliserons dans la suite du document.

L'équité est l'absence de différences injustes, évitables ou remédiables entre des groupes de personnes, que ces groupes soient définis socialement, économiquement, démographiquement ou géographiquement ou par d'autres dimensions de l'inégalité (par exemple, le sexe, le genre, l'origine ethnique, le handicap ou l'orientation sexuelle) (2). La notion d'équité (contrairement à la notion d'égalité) reconnaît qu'un traitement égalitaire n'est pas suffisant pour prendre en compte l'histoire de chacun.

La diversité consiste à reconnaître, respecter et célébrer les différences de chacune et chacun (4). Ces différences portent sur les valeurs, les attitudes, les perspectives culturelles, les croyances, l'origine ethnique, l'orientation sexuelle, l'identité de genre, les compétences, les connaissances et les expériences de vie de chaque individu dans un groupe de personnes (3).

L'inclusion consiste à créer un environnement dans lequel chaque personne se sent bienvenue et valorisée. Un environnement inclusif ne peut être créé que lorsque nous conscientisons nos biais et préjugés inconscients, et que nous apprenons à les reconnaître et les dépasser (4).

L'équité, la diversité et l'inclusion sont directement affectées par les problèmes liés à la discrimination, aux harcèlements et au biais. Nous présentons ci-dessous leurs définitions. Nous rappelons que les définitions de sujets tels que la discrimination et le harcèlement sont exposées en détail dans le code pénal, en particulier les articles 225-1, 222-33, 222-33-2 à 222-33-2-3 du Code pénal.

La discrimination consiste en des actes et des situations où une personne est traitée de manière défavorable par rapport à d'autres en raison de ses caractéristiques (réelles ou supposées). Pour rappel, les motifs de discrimination reconnus en France (5) incluent : l'origine, le sexe, la situation de famille, la grossesse, l'apparence physique, une particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, le patronyme, lieu de résidence ou de domiciliation bancaire, l'état de santé, la perte d'autonomie, le handicap, des caractéristiques génétiques, des mœurs, l'orientation sexuelle, l'identité de genre, l'âge, les opinions politiques, les activités syndicales, la capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, l'appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée.

Les harcèlements se caractérisent par le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou agissements ayant des conséquences néfastes pour la personne qui les subit. Il y a également des harcèlements lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes. Les harcèlements portent atteinte aux droits et à la dignité de ses victimes, ce qui peut générer une altération de leur santé physique ou mentale. Les harcèlements existent indépendamment de l'existence d'une relation hiérarchique entre la victime et l'auteur des faits.

Le biais cognitif est une déviation systématique de la pensée logique et rationnelle par rapport à la réalité. Les biais cognitifs sont source de préjugés et peuvent mener à soutenir ou s'opposer à une personne ou une idée particulière d'une manière injuste, basée sur ses opinions personnelles préconçues et non sur une analyse logique des faits ou de la réalité.

Principes fondateurs

Construction d'une communauté équitable et diverse

Moi, en tant que membre du LaBRI, je souhaite garantir à chacun et chacune de mes collègues l'égalité de traitement et de chances, créant ainsi un environnement attractif pour une large variété de profils : des conditions de travail équitables ; des opportunités de bonne intégration au laboratoire en vue de collaborations harmonieuses ; des évaluations transparentes avec un effort important sur la réduction des biais.

Je m'attache, en situation de prise de décision, que ce soit dans le recrutement, les conditions d'emploi et de travail, le développement ou la progression de carrière, à garantir un traitement équitable à toutes et tous. En particulier, dans toute situation d'évaluation scientifique ou professionnelle, j'envisage :

De me tenir à jour des recommandations afin d'éviter biais et discriminations (en aspirant même à participer à des formations sur ces sujets) ;
D'aider dans la constitution de comités aux profils variés en évitant, dans la mesure du possible, la sur-sollicitation des minorités ;
D'utiliser de critères transparents et objectifs ;
De déclarer systématiquement tous mes conflits d'intérêt, même légers, qu'ils soient d'ordre relationnel, collaboratif ou hiérarchique.

J'éviterai tout acte discriminatoire qui pourrait, de manière directe ou indirecte, entraver la carrière professionnelle de chacun et chacune. Le LaBRI regroupe des personnes ayant des niveaux d'éducation et des parcours différents, qui travaillent pour différents employeurs et dans différentes situations contractuelles, ainsi que diverses professions essentielles au soutien de la recherche. Toutes ces différences doivent être respectées et le laboratoire doit être un lieu de travail inclusif pour tous ses membres, indépendamment de leur statut.

Je m'engage avec mes collègues à protéger la diversité et à l'entretenir dans ma communauté scientifique et professionnelle. Je comprends que la diversité constitue une richesse, à la fois pour notre environnement de travail et pour le développement de la science. Je veillerai, dans mes pratiques et mes communications, à maintenir et à valoriser la diversité présente dans notre laboratoire, et j'encouragerai mes collègues à faire de même.

Communication inclusive

Le laboratoire est un environnement multiculturel et regroupe des membres non francophones, notamment parmi son personnel doctorant, postdoctorant et visiteur, autant de personnes qui peuvent se retrouver isolées dans un environnement qui serait uniquement francophone. Je ferai attention à ce fait pour ne pas déconsidérer les propos émis dans une langue non maîtrisée, que ce soit le français ou une autre.

Je chercherai à n'isoler personne, à inclure activement tous les membres de notre laboratoire, et à prendre en compte la présence de chaque personne dans toute communication. Mes actions dans ce sens passeront par la promotion d'une écriture inclusive (que ce soit en fléchissant systématiquement les noms au masculin et au féminin, ou toute autre méthode) et la présence de textes en français et en anglais dans mes communications avec le laboratoire (avec au minimum un court résumé dans la deuxième langue).

Dignité personnelle, respect du travail et des personnes

Le LaBRI promeut un environnement de travail qui garantit la dignité personnelle, un climat de confiance et de respect, où toute personne est bienvenue et encouragée à s'exprimer avec confiance. Dans le même temps, je comprends que chaque personne doit réfléchir à ses modes d'expression, se mettre à la place de l'autre et se questionner sur l'impact de son comportement sur l'autre. Le travail de chaque personne doit être respecté. J'accepte que les points ci-dessous, sans être exhaustifs, peuvent nuire à ce climat de confiance et mener à du harcèlement moral :

Les perturbations répétées lors des prises de parole ;
Les tentatives d'intimidation ou de déstabilisation ;
Tout propos intrusif ou dépréciant, notamment les commentaires ou blagues faisant référence à des caractéristiques personnelles ou à des stéréotypes, qu'ils soient écrits ou verbaux, portant atteinte à la dignité de la personne ;
Les agissements à l'encontre d'une personne, qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.

Le LaBRI alerte aussi sur les situations de harcèlement moral qui peuvent se développer plus facilement qu'il n'y paraît, parfois à notre propre insu, à la faveur de pressions psychologiques trop fortes ou de modes de travail qui ne respectent pas le rythme des autres personnes. J'éviterai les pratiques suivantes dans tous les contextes (administration, enseignement et recherche) :

Fixer des objectifs inaccessibles sans aide ou jalons intermédiaires ;
Fixer des dates limites à la dernière minute ;
Ne pas respecter les délais de procédures ;
Envoyer plusieurs mails par jour sur le même sujet en exigeant une réponse immédiate ou formuler des requêtes sans considération de la personne qui les reçoit ;
Faire des remarques à l'encontre d'une minorité, suggérant que sa réussite est liée aux politiques de quotas ;
Imposer mon rythme de travail à l'autre sans prendre en compte ses possibles contraintes, par exemple le mercredi ;
Menacer de représailles, en cas de retard ou d'absence de résultat.

Protection contre les agissements sexistes et les harcèlements sexuels

Au cours de leurs études ou de leurs carrières, et notamment lorsqu'elles occupent des postes temporaires, les femmes de notre communauté scientifique sont trop souvent victimes de comportements ou de propos déplacés, discriminatoires, voire violents. Ces situations nuisent au déroulement de leur vie professionnelle, et poussent certaines à l'abandon ou la reconversion. Cet état de fait est hérité en partie des inégalités femmes-hommes dans la société, et est renforcé par le très faible nombre de femmes dans notre communauté.

Ces comportements, qu'ils relèvent d'agissements sexistes ou du harcèlement sexuel, ciblent majoritairement les femmes. Néanmoins, ces comportements peuvent atteindre toutes les personnes de notre laboratoire, dont les hommes, et ils peuvent prendre des formes différentes en fonction des situations, notamment chez les personnes LGBTQIA+.

En prenant en compte les politiques de prévention contre tout agissement sexiste et harcèlement sexuel, mises en place par nos tutelles, je m'engage à éviter tout comportement de ce type. Cela inclut, en particulier :

La diffusion de propos, d'images ou de vidéos à caractère sexuel, discriminatoire ou violent dans le laboratoire ;
Les sollicitations insistantes non désirées, à caractère sexuel ou amoureux, et les demandes de sorties insistantes malgré le refus ;
Les contacts physiques non sollicités ;
Les questionnements non sollicités portant sur l'intimité, l'orientation et les pratiques sexuelles ;
Les propos déplacés sur l'habillement.

Actions, aides et démarches

Que vous soyez membre du LaBRI, personne invitée ou en visite, si vous êtes victime ou témoin d'agissements en contradiction avec un des points de cette charte dans un contexte professionnel, dans les locaux du laboratoire ou en dehors, il est important de ne pas vous isoler, de ne pas minimiser la situation, de la rejeter, et de s'appuyer sur la charte en rappelant ses principes et exemples.

Si vous souhaitez discuter d'un problème, plusieurs interlocuteurs ou interlocutrices sont possibles qui sont aussi là pour vous écouter et vous aider :

Responsables d'équipe ou département,
Personnes correspondantes doctorantes, membres de la commission enjeux sociétaux, membres du conseil de laboratoire,
Correspondante ou correspondant parité,
Assistant ou assistante de prévention,
Selon votre employeur ou établissement qui vous accueille, les services médicaux ou psychosociaux du CNRS, de l'Université de Bordeaux, de Bordeaux INP, ou d'Inria,
Partenaires extérieurs et associations.

La direction du laboratoire est là pour porter aide et secours à tout membre, permanent ou non, du LaBRI.

Le LaBRI s'engage à divulguer de manière claire et complète les moyens de communication, les contacts et les actions possibles pour la protection et l'aide des victimes ou témoins. En particulier, une page sur l'intranet (lien ici) recense la liste des contacts en lien avec les problématiques évoquées.

Exemples annexes à la charte d’Équité, Diversité et Inclusion du LaBRI

Ces situations, anonymisées et souvent en partie fictives, cherchent à rendre plus concrets les principes précédemment évoqués. Elles incluent des personnes hypothétiques avec des différents genres, nationalités ou religions pour rendre les exemples plus tangibles. Cependant, elles restent toutes valables pour des situations incluant des personnes présentant d'autres caractéristiques. Cette liste, qui n'a pas vocation à être exhaustive, manque encore de diversité et est donc amenée à s'enrichir. Elle est largement inspirée de la charte des membres de l'IRIF.

Situation 0

En lisant cette charte, j'ai l'impression que je ne pourrai plus jamais rien dire ni faire de façon naturelle.

Cette charte ne dit pas qu'il faut renoncer à s'exprimer ou encore cesser toute relation amicale sur le lieu de travail. Au contraire, elle vise à de meilleures relations et échanges. Elle identifie des situations susceptibles d'entraîner un résultat différent de celui attendu, pouvant causer de l'inconfort chez nos interlocuteurs et interlocutrices. Certains comportements en apparence anodins peuvent devenir extrêmement pesants en étant répétés, créant un effet d'usure d'autant plus que la répétition est souvent invisible de l'extérieur donc que toute réaction semblerait excessive. En résumé, cette charte nous amène à réfléchir à certains de nos comportements et à échanger dessus.

Inclusion

Situation 1

Quand j'émets une idée, je ne suis pas entendue, mais quand une personne plus expérimentée ou un homme la répète, l'assemblée la considère. Je trouve cela très frustrant, que faire ?

Il est important de faire remarquer ces situations, car l'inconscient collectif a tendance à banaliser ce type de situation.

Situation 2

Quelqu'un me fait remarquer que je suis trop passionnel ou émotif dans le travail. Je pense au contraire que les propos tenus étaient réellement blessants. Quoi faire ?

Il est important que les deux parties aient conscience de leur différence de perception de la situation, et si possible qu'un dialogue puisse s'instaurer ou qu'une tierce personne soit sollicitée.

Situation 3

Lors de réunions, une de mes collègues a fait des remarques personnelles irrespectueuses, sur le ton de l'humour, à l'encontre d'un autre membre du laboratoire. Cette attitude crée une ambiance tendue, et son comportement est insultant. Comment réagir sans passer pour quelqu'un qui n'a pas le sens de l'humour ?

Un de mes collègues fait régulièrement des blagues qui me mettent mal à l'aise. Que dois-je faire ?

Un collègue masculin me fait remarquer la "chance" pour les femmes de leur sous-représentation dans la communauté, mentionnant l'avantage que cela représente pour l'évolution de la carrière.

Dans un autre laboratoire, ou lors d'une conférence, j'ai été victime de propos ouvertement racistes. Tout le monde me semblait mal à l'aise, mais personne ne s'est exprimé ni ne m'a contacté par la suite. Je me suis senti très isolé.

Les blagues sur une caractéristique personnelle ne favorisent pas un environnement de travail dans lequel les personnes se sentent bienvenues et valorisées. Elles remettent en cause la dignité à laquelle chacun et chacune a droit. Les propos, même sur le ton de blagues, de nature discriminatoire ou basées sur un stéréotype, peuvent aussi avoir les mêmes effets, quand bien même elles ne ciblent pas quelqu'un en particulier mais un groupe auquel certaines personnes peuvent s'identifier.

Il est compréhensible que la victime n'ose pas se confronter directement avec la personne qui a tenu ces propos. Elle peut essayer d'exposer le plus clairement possible son ressenti ou son point de vue à cette personne. Elle peut aussi en parler aux responsables ou collègues qui la soutiendront et agiront.

Les témoins ont le droit de réagir et souligner que ces propos ne sont pas admissibles. A minima, ils ou elles ne doivent pas hésiter à soutenir la victime. Si ils ou elles l'estiment nécessaire, la victime ou les témoins sont encouragés à signaler l'événement aux référents du laboratoire ou aux organisateurs de la conférence, le cas échéant.

Situation 4

On m'a questionné au travail sur mon positionnement au sujet d'un événement majeur dans l'actualité internationale. Je sens que l'on attend de moi une prise de position explicite à propos de ces événements à cause de mes origines ou croyances réelles ou supposées.

Je viens des États-Unis et les gens me demandent souvent mon avis sur les différentes personnalités politiques de mon pays et leurs actions. Je me retrouve à devoir faire des recherches sur eux régulièrement pour ne pas paraître désinformée.

Je viens d'un pays de confession majoritairement musulmane. On suppose que je suis moi-même musulmane. On me demande pourquoi je ne porte pas le voile. Ou encore, on pense que je suis opprimée, et que j'ai besoin de me libérer en tant que femme.

C'est la manifestation d'un stéréotype que d'assimiler les croyances, la culture, ou encore l'adhésion à une idéologie d'une personne à son origine ou sa couleur. On peut l'expliquer à votre interlocuteur ou interlocutrice et/ou demander que des actions de sensibilisation soient organisées dans votre lieu de travail ou de conférence.

Situation 5

Des collègues parlent systématiquement de problèmes spécifiques au cours des repas excluant toute personne n'ayant pas tous les pré-requis sur le sujet pour participer à la conversation. Comment réagir puisqu'au fond j'ai envie de donner mon avis ou de parler d'autre chose ?

Le laboratoire est composé de personnes aux multiples professions et thématiques scientifiques qui contribuent toutes à la vie du laboratoire. Il est important de n'isoler personne. Pour éviter ce type de problème, nous pouvons vulgariser ou élargir le sujet de conversation, trouver une organisation différente pour les repas, ou même organiser des moments de discussion dédies à des thèmes spécifiques.

Situation 6

Un collègue masculin me fait systématiquement la bise le matin parce que je suis une femme, tandis qu'un autre ne me serre jamais la main alors qu'il le fait aux autres collègues masculins présents, sous prétexte que je suis une femme. Ces deux situations me mettent mal à l'aise, comment y remédier ?

Lorsque j'arrive dans un groupe, j'ai l'habitude de saluer les gens que je connais par une bise ou une poignée de main, mais je n'adresse qu'un simple bonjour à ceux que je connais moins, peut-être parce que je suis plus hésitant·e sur les usages de leur culture. Je réalise que mon comportement peut peut-être isoler ces personnes.

Il faut adapter ses salutations au degré de tolérance de la personne en face. Certaines personnes ne souhaitent aucun contact physique, ou uniquement de façon occasionnelle. Certaines personnes apprécient de pouvoir faire la bise ou serrer la main à leurs collègues, ou uniquement à leurs amis. D'autres n'aiment pas avoir de traitement spécial. En cas de doute, le mieux est d'en parler.

Situation 7

Des membres de mon département viennent souvent chercher mon co-bureau pour manger le midi, mais ne m'invitent presque jamais alors que j'aimerais manger avec eux de temps en temps.

Les interactions sociales ne sont bien sûr soumises à aucune obligation. Outre les affinités personnelles, on ne peut logistiquement pas faire des repas de laboratoire tous les midis, ni inviter tout le département chez soi. Cependant, il convient de veiller à inclure les nouveaux arrivants et nouvelles arrivantes pour leur prêter du lien social le temps qu'ils ou elles s'en tissent, et à ouvrir de temps en temps le cercle. Il faut également rester vigilant·e sur le message que l'on peut envoyer si on exclut systématiquement et sans raison apparente une même personne d'activités extra-professionnelles, surtout que cette personne se sent peut-être déjà mise à part.

Situation 8

Une membre retraitée du laboratoire y reste très présente. Elle est maintenant bien plus disponible et prête à aider dans un certain nombre de tâches, où elle pourrait partager ses compétences et son “expérience” : organisation d'événements, relecture d'articles ou de dossiers administratifs … Elle est pourtant peu sollicitée, se sent parfois qualifiée de “has been”, et ressent souvent de la méfiance à son endroit. En résumé, elle entend assez fortement la phrase “pourquoi tu ne prends pas vraiment ta retraite (bien méritée) ?” même si elle n'est pas effectivement prononcée. Que peut faire chacune des protagonistes (retraitée et laboratoire) ?

C'est un exemple de stéréotype lié à l'âge. Ce n'est pas parce que l'on est âgé·e que l'on doit totalement se retirer. Le laboratoire se doit de bien accueillir ses membres retraité·e·s, et réfléchir à la place qu'il leur réserve. La personne retraitée doit accepter de laisser les rôles principaux à ses collègues plus jeunes et proposer sans s'imposer.

Situation 9

Un membre du laboratoire a, en ce moment, des contraintes/difficultés personnelles ou professionnelles très lourdes (retour de congé maternité, obligations familiales, situation de maladie/handicap, responsabilités administratives importantes …). Il a l'impression qu'on ne le sollicite plus pour participer à des projets scientifiques, des prises de responsabilités, l'organisation de conférences, et le vit mal. Pourtant, le groupe proche adopte cette position afin de le protéger, jusqu'au moment où il sera de nouveau plus disponible. A-t-il raison ? Que peut faire chacun des protagonistes (membre en difficulté, groupe proche) ?

Il faut que les protagonistes engagent un véritable dialogue. C'est en effet un exemple de stéréotype, qui affirme qu'on doit protéger les membres dans une situation professionnelle ou personnelle difficile, en évitant de trop les solliciter, et sans vraiment leur demander leur avis. La personne concernée peut alors décrire ses contraintes et exprimer ses attentes ; le groupe les écoute, propose des pistes d'aménagement (adaptation des horaires de réunion, par exemple) et lui permet de décider ce qu'il ou elle veut faire. La personne concernée doit se sentir libre de refuser, et le groupe doit rester compréhensif face à ce choix.

Situation 10

Je suis enceinte et les gens me demandent souvent de toucher mon ventre, ou bien elles/ils le font directement.

Subir une curiosité non désirée à propos de son corps donne l'impression d'être hors-norme. La question est déjà invasive ; le geste sans demande préalable l'est encore plus.

Équité

Situation 11

Un résultat scientifique important est issu d'une collaboration entre deux personnes, dont l'une est beaucoup plus scientifiquement reconnue que l'autre. Suivant un stéréotype et l'alimentant, la communauté scientifique attribue tous les bénéfices du résultat à la personne la plus reconnue au détriment de l'autre. Que peut-on faire pour s'opposer à ce stéréotype ?

Un résultat scientifique important est issu d'une collaboration entre deux personnes, dont l'un est un homme et l'autre est une femme. Certains collègues attribuent tous les bénéfices du résultat à l'auteur masculin. Que peut-on faire pour s'opposer à ce stéréotype ? Comment gérer la situation quand les co-auteurs sont en couple ?

Il faut inviter prioritairement la personne moins connue ou inconnue à des séminaires et colloques. De même si elle n'est pas sur-sollicitée, il faut inviter de manière équitable les scientifiques hommes, femmes ou non-binaires. Lorsqu'on parle de ce résultat à son entourage, on mentionnera l'ensemble des scientifiques sans se limiter à la personne plus connue.

La personne plus réputée devra aussi prendre conscience de l'ombre qu'elle porte à la personne moins connue ; si ce n'est pas le cas, son entourage devra l'amener à cette prise de conscience. En cas d'invitation, elle pourra proposer l'autre personne moins connue à sa place, en expliquant pourquoi. Enfin, si elle est sollicitée pour une lettre de recommandation, elle décrira, là aussi, explicitement, le rôle de l'autre personne dans les résultats obtenus.

La personne moins connue ne devrait pas rester passive et oser parler de ce résultat, et en faire la publicité, sans détour ni modestie excessive. Lors de ses candidatures, ou de la rédaction de ses projets, elle s'attribue les résultats obtenus, en utilisant la première personne du pluriel pour inclure la personne plus réputée, sans oublier de la mentionner.

Encadrement

Situation 12

Je suis sollicitée pour un jury de prix. J'ai travaillé avec une des candidates, mais je pense que je peux être objective dans mon évaluation. Je ne compte donc pas mentionner le conflit qui jetterait un doute sur mon soutien, d'autant plus que je suis la personne la plus qualifiée pour défendre son dossier. Ai-je tort ?

Toute situation de conflit d'intérêt professionnel ou personnel doit être mentionnée. Dans ce cas, le président ou la présidente du jury sera à même de décider s'il y a conflit ou non. Cela évitera de discréditer le ou la lauréate, ainsi que l'ensemble du processus d'attribution du prix.

Situation 13

L'attitude de ma directrice de thèse me met mal à l'aise. Sa communication est ambiguë et manque d'empathie : je ne suis jamais sûr si elle me critique ou pas, et elle ne me donne jamais de pistes claires pour m'améliorer. Je me sens très affecté et commence à douter de mes capacités. Que dois-je faire ?

Le binôme personne encadrée/personne encadrante repose sur une alchimie complexe. La confiance et la transparence sont importantes. Si exposer votre ressenti (par écrit ou à l'oral) ne fonctionne pas ou vous semble trop difficile, pensez à passer par une personne intermédiaire comme par exemple le comité de suivi, l'assistant de prévention, l'école doctorale ou la direction du laboratoire. Si vous ne parvenez pas à améliorer la situation, il faut peut-être envisager de changer d'encadrant ou encadrante. Enfin, il faut savoir que fixer des objectifs impossibles à réaliser sans procurer la moindre aide peut être assimilé à du harcèlement moral.

Situation 14

J'ai l'impression que mon encadrant ne traite pas l'ensemble de ses doctorants et doctorantes de manière équitable et que je suis souvent exclu de certains projets et collaborations, contrairement à ses autres doctorants et doctorantes.

J'ai l'impression que mon encadrante ne traite pas l'ensemble de ses doctorants et doctorantes de manière équitable. Elle est plus amicale et fait plus de blagues avec moi. Cela me met mal à l'aise.

Opérer une différenciation entre les doctorantes et doctorants peut créer chez elles ou eux un sentiment d'isolement ou d'exclusion. Même si les sujets de recherche sont différents et n'ont pas besoin des mêmes temps d'encadrement, il est essentiel de se conduire envers elles et eux de manière équitable, et de leur offrir, autant que possible, les mêmes opportunités. En tant que doctorant·e, si vous ne comprenez pas cette situation ou qu'elle vous fait souffrir, n'hésitez pas à en parler au plus tôt à votre directeur ou directrice de thèse, ou à un·e intermédiaire.

Intimité, harcèlement sexuel

Situation 15

J'ai manifesté mon admiration professionnelle pour une chercheuse de mon domaine, mes collègues m'ont répondu qu'elle était mariée. J'ai été perturbé, et n'ose plus parler d'elle.

J'étais heureuse d'être invitée à travailler avec un chercheur réputé, mon co-bureau m'a demandé s'il était célibataire. Je ne suis plus si enthousiaste et je me sens salie par ses propos.

Déformer les interactions pour les sexualiser n'est pas anodin, surtout dans un cadre professionnel. Cela peut gâcher des relations, créer un réel mal-être et remettre en cause les compétences professionnelles des personnes visées dans la communauté professionnelle.

Situation 16

Comment manifester ses sentiments amoureux à un ou une collègue, sans créer un sentiment de malaise qui nuirait à la personne et à ses conditions de travail ?

Il est préférable de faire part de ses sentiments dans un lieu non professionnel, et sans compromettre les interactions professionnelles passées et futures. Il est important d'avoir des comportements positifs et respectueux, laissant la possibilité d'un refus, de savoir l'entendre et de le respecter. Enfin, il faut souligner que des sollicitations et demandes répétées qui ne sont pas voulues et acceptées peuvent relever du harcèlement.

Situation 17

Comment se manifeste le harcèlement sexuel ? Comment juger qu'un comportement s'assimile à du harcèlement sexiste ou sexuel et que les limites sont dépassées, que ce soit au laboratoire ou lors d'une conférence ?

L'Université de Bordeaux a un guide à ce sujet. Le harcèlement sexuel peut se manifester de façon verbale ou non verbale. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait une relation hiérarchique. Un silence suffit pour manifester son non consentement.

La situation de harcèlement sexuel à laquelle on se réfère le plus souvent consiste à user de manière répétée de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle. Mais, à titre d'exemple, peuvent aussi être assimilés à du harcèlement les comportements suivants : questionner l'autre sur son intimité et lui faire des confidences sur sa propre vie sexuelle ; faire des commentaires sur le physique, la tenue vestimentaire ou le comportement de l'autre ; regarder avec insistance ; imposer continuellement sa présence.

Situation 18

En conférence, il est parfois difficile de trouver un endroit pour travailler. La chambre d'hôtel devient un espace de travail. Comment faire pour inviter un·e collègue ou un·e étudiant·e à travailler dans notre chambre sans ambiguïté ?

Malgré toute la bienveillance possible, cette situation est assimilable à du harcèlement sexuel, et doit être proscrite. Une alternative est de choisir un lieu plus neutre, comme une salle de travail ou un lieu public.

Situation 19

J'encadre la thèse d'une personne avec qui j'ai, ou aimerais initier, une relation amoureuse. Quels problèmes peuvent se poser ? Est-il opportun de poursuivre cet encadrement ?

La relation encadré·e/encadrant·e est, par nature, asymétrique. L'encadrant·e bénéficie d'une position d'autorité et de la confiance de l'encadré·e, et a aussi un rôle important dans le début de sa carrière. Les relations intimes encadré·e/encadrant·e sont donc découragées : elles constituent un conflit d'intérêt à déclarer aux directions de l'École Doctorale et du LaBRI. Il est recommandé à l'encadrant·e de ne pas être à l'initiative ou encourager ces relations. Dans le cas de relations intimes existantes, et afin de protéger l'encadré·e, le LaBRI recommande à l'encadrant·e de se déporter de la thèse au profit d'un·e collègue, et s'assurera que le contrat soit bien maintenu.

Ouverture internationale, appréhension de la langue

Situation 20

L'intégration de mes doctorants non francophones est rendue difficile à cause du problème de la langue : autour de moi comme au laboratoire, la communication se fait surtout en français. Puis-je demander que la langue par défaut soit l'anglais ?

Avant de recruter ou d'inviter un ou une non-francophone, il faut bien imaginer son environnement futur et ne pas hésiter à lui en faire part. L'environnement du laboratoire est francophone et s'exprimer en français est un droit en France, même si chacun et chacune, au laboratoire, fait des efforts sur la langue employée pour communiquer. Il faut d'abord lui indiquer les cours de français gratuits disponibles à l'université et au CNRS. Il faut ensuite essayer de communiquer a minima en anglais, ne serait-ce que pour les points essentiels ; nous le faisons déjà, pour la plupart, dans le cadre de nos conférences ou missions. Si nous imaginons de fortes difficultés potentielles dues à la langue, nous devons en informer la future personne recrutée.

Situation 21

D'origine étrangère, lorsque je fais un commentaire de fond sur un travail en français (par exemple l'organisation ou le contenu d'un exposé, rapport, demande de financement …), on me reprend souvent sur mon français et mon accent, ou en me disant qu'en France on fait autrement, sans me répondre sur le fond. Que faire ?

Des collègues excluent systématiquement les visiteurs et visiteuses non francophones des conversations en maintenant leur conversation en français, y compris lorsque cela concerne ces mêmes personnes. Comment réagir puisqu'au fond parler français est aussi un droit ?

Si l'on constate qu'il n'est pas répondu sur le fond à nos commentaires, et peu importe la raison, il faut le souligner et insister pour avoir une réponse. Si malgré cela la situation perdure, il est recommandé de contacter la direction du laboratoire ou un des contacts suggérés dans la charte. Par ailleurs, la recherche étant par nature multiculturelle, il est important d'inclure au maximum toutes les personnes présentes à un événement / une réunion … Cela passe notamment par la langue employée pour échanger. En tant que francophone, il est important d'être vigilant à cela. Une façon de procéder est de poursuivre soi-même la conversation en anglais ou de le réclamer, car cela sera toujours plus facile à faire que pour le ou la visiteuse (non-francophone). Dans tous les cas, il est toujours conseillé de consulter la personne visiteuse (sans lui mettre la pression) pour vérifier son intérêt à converser en anglais, en français ou dans une autre langue.

Nous recommandons aux visiteurs et visiteuses longue durée de suivre les cours de français disponibles à l'université pour une meilleure intégration.

Situation 22

Je dois écrire un courriel qui peut concerner des membres non francophones du laboratoire mais je n'ai pas le temps ou la capacité de le traduire en anglais, que dois-je faire ?

Mon niveau en français ne me permet pas de comprendre les courriels, pourtant certains contiennent des informations importantes et ne sont écrits qu'en français, que faire ?

Si on envoie un courriel pouvant concerner des membres non francophones, il est conseillé de l'envoyer soit en anglais, soit en français avec une traduction en anglais. Dans le cas où traduire tout le message est trop long ou trop difficile, il est recommandé au minimum de traduire le titre et d'inclure un très court résumé du contenu en anglais au début du message. Pour les non-francophones, il existe aussi des outils de traduction automatique, qui, bien qu'imparfaits, permettent de se faire une idée rapide du contenu et de l'importance du sujet. Il est ensuite tout à fait naturel de demander à un francophone, par exemple la personne qui a envoyé le mail ou une personne de son équipe, d'en éclaircir les points ambigus.

Situation 23

Je suis étranger et je me fais régulièrement inviter à dîner chez mon encadrant. Je me sens obligé d'accepter quelles que soient mes disponibilités, comme c'est l'usage dans mon pays. Dans quelle mesure une telle invitation peut être refusée ?

Je suis étranger et je pratique l'escalade. J'hésite à rejoindre mes collègues et supérieurs hiérarchiques en dehors du cadre professionnel, car ce n'est pas l'usage dans mon pays.

En France, en dehors du cadre professionnel, chacun est libre d'accepter ou de refuser une invitation, ou d'en être à l'initiative. Les membres du laboratoire doivent veiller à bien mesurer les différences culturelles, à expliquer les usages informels dans le cadre non-professionnel, et veiller à l'inclusion tout en respectant les différences culturelles.